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août 2016

rédéric Bonpapa, graphiste 3D et réalisateur de l'animation synesthésique Light Motif propose une compilation - non exhaustive - d'oeuvres qui établissent des liens entre les sons et les images. Les classiques de la visualisation musicale, qui restent de grandes sources d'inspiration : Oskar Fischinger - Studie nr 8 (1931) https://vimeo.com/35735682 Oskar Fischinger - An Optical Poem (1938) : https://www.youtube.com/watch?v=6Xc4g00FFLk Norman McLaren - Dots (1940) : https://www.youtube.com/watch?v=E3-vsKwQ0Cg Norman McLaren - Boogie Doodle

Victor Segalen

Les Synesthésies[1] et l’école symboliste
Mercure de France, 1902.
Extraits : pp. 57-90
  • Titre : Les Synesthésies et l’école symboliste
  • Auteur(s) : Victor Segalen
  • Éditeur : Mercure de France
  • Publication : 1902
  • Lieu d'édition : Paris
  • Chapitre : Les Synesthésies et l’école symboliste
  • Pages : 57-90

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"… Comme de longs échos qui de loin se confondent
En une ténébreuse et profonde unité,Vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent…"

Baudelaire, les Fleurs du Mal.

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Longtemps, il resta décent, dans le monde scientifique, d’afficher, à l’égard de la correspondance possible des données sensorielles entre elles, un vertueux dédain. Les indulgents s’arrêtaient à l’ignorance bénévole du phénomène. D’aucuns furent plus rigoureux. La doctrine de l’Analogie des sens eut ses apôtres, ses martyrs, et tout récemment son temple.

D’allure vaguement occultiste, exploitée d’ailleurs par les Adeptes, elle partagea le discrédit officiellement attaché à toutes les notions parascientifiques. Nüsbaumer, au début du siècle, encourut, de ce fait, les foudres universitaires : ses recherches en la matière ayant paru peu orthodoxes, et dangereuse la divulgation de pareils faits, Bénédikt, professeur et homme de bon conseil, lui imposa là-dessus silence et discrétion[2].

Les essais continuent, timides et tâtonnants. Il semble que les chercheurs tiennent à se faire pardonner leur audace. Pour n’être pas soupçonnés de crédulité, ils se posent en ironistes. Et les préfixes défiants dont ils enrobent leurs définitions soupçonneuses encore sont curieux à noter :

« Pseudochromesthésie, » dit Chabalier. « Pseudophotesthésie, » affirme Suarez de Mendoza… « Fausses sensations »… « Illusions ». On tenait à ne pas se compromettre.

En réalité, les apparences autorisaient le doute, excusaient l’équivoque.

Les observateurs les mieux intentionnés se heurtaient à une incohérence manifeste, à une impossibilité décevante de dégager de leurs études aucune conclusion tant soit peu générale. Malgré leur bonne volonté, il était difficile de donner droit de cité, en la Science impersonnelle et objective, à des phénomènes dont la subjectivité même est la règle, dont le seul critérium possible est une affirmation, dont la preuve expérimentale est à trouver encore.

Actuellement pourtant, devant l’agrégat d’exemples laborieusement entassés, l’authenticité des faits de synesthésie n’est plus douteuse. Leur état civil est officiellement constitué. Ils ont, ces bâtards de jadis, existence légale auprès des savants : ils sont reconnus.

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