Portrait : entraîneur sportif synesthète – P.-J. Vazel
Sensations et paradoxes : Pierre-Jean Vazel à TEDX Rennes
TEDX : Diplômé des Beaux-Arts de Rennes, Pierre-Jean Vazel est passionné par le sport, l’art, les sciences et la philosophie. Il a construit sa propre pratique à l’interconnexion de ces disciplines en utilisant sa condition de synesthète. Il a fait ses armes de coach en entrainant Olusoji Fabusa qui a battu sous sa tutelle le record d’Afrique du 100m en 2006 (9’85). Par la suite, il a notamment entraîné Ronald Pognon et Christine Arron. Il nous parle ici de son expérience de synesthète, de sa perception des chiffres et de sa passion pour le sport avec beaucoup de poésie.
Je cherche l’Or du temps
Pierre-Jean Vazel s’est inspiré de cette phrase d’André Breton, extraite d’un récit autobiographique publié en 1928, pour élaborer le projet artistique qu’il présentera en cinquième années des Beaux Arts. Mais pour Pierre-Jean, derrière ces quelques mots se cache le territoire tonitruant et imperturbable des nombres et de la statistique. Tonitruant, parce que les chiffres ne sont pas que des valeurs, des quantités ou des données. Ils sont aussi des ondes, des chatoiements, des arc-en-ciel polymorphes et des goûts, des sons… Imperturbables parce qu’ils sont aussi la maison, la ville et le monde rassurant, positif et fiable procurant à Pierre-Jean les plaisirs et la satisfaction des désirs premiers.
Alors engagé dans la voie artistique et sportif assidu, il se découvre une irrépressible passion pour les chiffres. Sans qu’il le décide sûrement, l’art, les chiffres et ses propres talents vont se combiner peu à peu et Pierre-Jean va suivre la beauté et l’intensité de ses synesthésies multimodales. Il va passer des heures, des jours entiers à apprendre des valeurs, des statistiques, celles qui ont été compilées pendant des dizaines d’années par les entraîneurs d’athlètes du monde entier. Il va copier, lire, apprendre, copier et copier encore ces compilations, ces tableaux qui sont pour lui comme le patchwork évident et universel des meilleurs temps possibles à la course, de la position idéale du pied ou de la hanche du coureur pendant la foulée. Car les chiffres ne suffisent pas. Il va regarder plusieurs centaines de fois les courses les plus importantes de l’histoire de l’athlétisme, jusqu’à en user les bandes vidéo. Ses capacités perceptives hypersensibles le rendent capable d’estimer précisément du temps durant lequel un sprinter pose le pied au sol pendant son 100 mètres, c’est-à-dire quelques millièmes de secondes (Pierre-Jean Vazel est assurément heuresthète).
Mais Pierre-Jean ne calcule pas vraiment ! Comme il le dit lui-même (voir la vidéo « Le garçon aux chiffres, liens en bas de page), il se « prend en pleine figure » un ensemble complexe de sensations intérieures, des goûts, des couleurs, des affects… C’est dans un second temps, grâce à beaucoup de travail, qu’il parvient à mettre en valeur ses « hypersensations », qu’il parvient à trouver ce qui peut être corrigé lors d’une épreuve pour améliorer le temps des sportifs. Par le jeu de rencontres heureuses, et alors qu’il n’a aucune expérience dans le domaine, il deviendra entraîneur de coureurs de très haut niveau à la recherche de méthodes de travail plus adaptées à leur profil. Pierre-Jean va leur faire obtenir des résultats inespérés et fera rentrer ces athlètes dans l’histoire mondiale de la course (il entraînera notamment Ronald Pognon, Olusoji Fosuba, Christine Arron…).
Pierre-Jean ne voit pas une hanche mal équilibrée, qui fait perdre du temps à l’athlète. Il voit une hanche accompagnée d’un goût peut-être amer (soulignant le déséquilibre) et une image « couleur de hanche » un peu plus sombre ou « pincée » ou rugueuse ou tout autre signifiant qui manifeste le déséquilibre, l’imperfection. Il n’aura plus qu’à interpréter ces données en caractéristiques d’entraînement qui pourront rendre après application sur l’athlète sa perception moins sombre, moins pincée, moins rugueuse. L’avantage est que ces données sont aussi mémorables, il peut donc les traiter le soir chez lui…
Pierre-Jean Vazel est en concurrence avec ses collègues entraîneurs car il voit sans même avoir le choix ce que des caméras hyper sophistiquées ne peuvent filmer et que les meilleurs entraîneurs mettraient longtemps à comprendre, alors que pour lui le déséquilibre d’un coureur est perçu immédiatement. Il précise dans la partie 2 des vidéos disponibles en ligne, à 1 minute 25 que grâce à la synesthésie, il peut voir plus de choses, plus de détails. Ce n’est pas « magique » car le cerveau est capable objectivement de percevoir une hanche déséquilibrée. Mais le traitement synesthésique est simplement différent d’un traitement conscient ou réflexif habituel, les images / sons / goûts / affects associés lors de la perception font chez Pierre-Jean ce que les outils vidéos et informatiques font pour un entraîneur traditionnel. Le travail d’entraîneur de Pierre-Jean revient en fait à « substituer des faits à des sensations ».
Mais il cherche aussi, et peut-être avant tout, à « ordonner le désordre ambiant ». A 3 minutes 15, partie 2, il souligne : « Si je me trompe de chiffre, c’est ma perception de l’image qui s’en trouve faussée. Ce n’est pas possible. » « Sinon il y a un malaise par rapport à l’image, ça colle pas du tout. » Son attrait naturel pour l’harmonie, la beauté, qu’il a pu travailler et mettre en valeur aux Beaux Arts, sa recherche de performance, pour lui-même et pour l’autre dans le sport, ne sont peut-être rien d’autre qu’une sensibilité particulière – et qui le dépasse lui-même – à l’équilibre naturel des choses, à la parfaite expression des lois de la nature au travers des mouvements du corps et de l’âme. Pierre-Jean, incapable de ne faire appel qu’à sa réflexion, à sa pensée qui sont sujettes au manque et à l’inexactitude, ne retrouve le bien-être que par les processus élémentaires d’acquisition, il doit suivre ce que lui montrent ses sens afin de trouver la vérité définissante du mouvement réussi et de la performance optimale.
Il faut imaginer combien la puissance de ses perceptions multimodales doit être pesante, tout extraordinaires soient-elles. Il exprime à la fin du reportage, partie 4, à quel point il ne « choisit rien », il « subit tout » et de quelle façon cela contraint son engagement social. Peut-être est-ce là le prix de son accès privilégié aux lois universelles de la physique et des nombres.
Le garçon aux chiffres, reportage diffusé par France 3 Ouest en 2009, écrit et réalisé par Pierrick Guinard :
Portrait de Pierre-Jean Vazel par LeMonde.fr
Forum Le Monde-Le Mans – A la recherche du temps, interview de Pierre-Jean Vazel :
Ecoutez Pierre-Jean Vazel décrire son vécu d’entraîneur de sportifs de haut niveau, lors de l’émission Pas la peine de crier, interview Marie Richeux (vingtième minute, 2 septembre 2013) :
Notre invité Pierre Jean Vazel est entraineur d’athlétisme et fin statisticien. Diplômé des Beaux Arts, il est aussi féru de littérature. Pierre-Jean Vazel a chroniqué les Mondiaux d’athlétisme cet été pour le journal Le Monde et continue de décrypter l’actualité sportive sur son blog « Plus haut, plus vite, plus fort ».
Sources :
LeMonde.fr, 25 février 2011
Libération.fr 14 novembre 2006
Nadja, André Breton, 1928
Conférence : Les rythmes de l’art
Où est passé le temps ? Folio Essais, 2012
CMA
Article approximatif voire mensonger.
PJV a entraîné FASUBA à distance … Depuis quand un entraîneur entraîne à distance ?
POGNON l’a rejoint juste après avoir battu le RF sur 100m (9″99). Résultat : régression d’année en année !
ARRON, il est vrai marquée par le poids de l’âge, n’a jamais pu revenir à un bon niveau.
13/05/2014
PJ Vazel
Cher « CMA »
Je suis obligé de vous appeler par votre pseudo et il est toujours inconfortable ne pas savoir à qui on s’adresse.
Je prends le temps de vous répondre car vous intervenez ici comme si vous me connaissiez ainsi que les athlètes que j’ai entraîné. Or ce n’est manifestement le cas. Vous n’étiez certainement pas là à partir de juin 2005, date à laquelle je n’ai plus entraîné Olu à distance, sur les lieux des stages qu’on a multiplié en Allemagne et en Grèce en période hors compétition, ainsi qu’autour des meetings en période de compétition.
Vous ne connaissez pas non plus l’histoire de Ronald. Pas plus que celle de Christine. Je vous invite à leur parler directement.
Sportivement,
PJV
13/05/2014
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